En 1948, l’économiste visionnaire et influent Jean Fourastié (1907-1990) décrivait dans son ouvrage « Le grand espoir du XXe Siècle » 3 phases de l’histoire humaine : la société agraire qui cultivait la terre, la société industrielle qui travaillait la matière et adviendrait celle où l’humain se cultiverait lui-même. Une société de service dont les moteurs seraient l’éducation, la santé, les loisirs ainsi que la culture intellectuelle et le perfectionnement moral. Une étape où l’homme travaille l’homme lui-même et la valeur sociale du travail est définie par le temps que chacun consacre à autrui.
Ce rêve de Jean Fourastier d’une économie humanisée s’est confronté à notre modèle basé sur une logique de croissance, car il est plus facile d’industrialiser la culture du blé que la relation à autrui ! Cependant la révolution numérique à permis un tour de passe-passe, transformer l’homme en information l’homo digitalis pour permettre un meilleur rendement et profit : un médecin peut traiter plusieurs dossiers patients numérisés à la fois, un professeur transmettre via un MOOC à des milliers d’apprenants dans le monde, un manager donner ses objectifs à l’ensemble de ses équipes en un mail…
Et Boum ! Un succès au gout amer, car nous retombons dans le piège de la société industrielle qui pour nous apporter plus de confort à déshumaniser le travail sur l’autel du rendement. On pensait que les réseaux sociaux augmenteraient les relations interpersonnelles, or, c’est l’inverse ils les remplacent. Et plus je suis distant dans mes relations, plus j’en ai peur et plus je suis distant… et nous déshumanisons nos relations et donc notre qualité de vie.
Alors, comment cultiver l’humain à l’ère digitale ? L’enjeu est d’utiliser autant notre intelligence pour innover et performer que pour garder le sens de nos actions et nous réguler. Posons-nous la question des « limites » de l’utilisation des outils et du rendement à tout prix. Protégeons-nous en régulant les excès de certains progrès qui ne portent pas en leur sein le mode d’emploi d’une utilisation saine. J’illustre souvent cela par une anecdote d’un père qui me dit « j’en ai marre de cette tablette qui lobotomise le cerveau de mon ado de fille! » a qui j’avais répondu ironiquement « tu as raison il devrait mettre un manuel dans le paquet d’éducation des parents pour éduquer leur enfant à une utilisation saine des technologies ! ».
Nous sommes intelligents, nous sommes en capacité d’agir avec lucidité et bon sens, activons en nous notre pouvoir de régulation et responsabilité. N’abandonnons pas aveuglément notre cerveau au rendement et aux technos et choisissons de les stopper quand il n’apporte plus de bien-être ou n’augmente plus notre humanisation. Et cultivons la relation directe.
Je finirai avec cette citation de Jean-Pierre Darroussin dans le Coeur des Hommes : « qu’est ce que vous feriez si vous étiez moins con ?! » … un bon principe d’autorégulation non ?!
(article inspiré de « l »enjeu est de ne pas nous laisser déposséder de notre humanité » Daniel Cohen Nouvel Observateur 30/08/208)